Passé d'Armand
Lorsqu’il posa les yeux sur elle pour la première fois, Armand tâcha de dissimuler son manque d’enthousiasme derrière l’un de ses nombreux sourire charmeur. Blanche était pourtant si jolie, le jeune homme ne pouvait pas le nier, avec sa mâchoire étroite qui lui donnait un profile délicat, la cambrure souple de son dos et son regard noisette, elle aurait fait tourner la tête de n’importe quel petit seigneur. Le Chevalier n’avait pas à se plaindre de l’épouse que son père lui avait choisie. La jeune femme comblait ses parents de bonheur et sa mère ne cessait d’imaginer les merveilleux et beaux enfants que Blanche pourrait donner à leur héritier. Enguerrand était du même avis et ne cessait de trouver de nouvelles qualités à la jeune femme.
Le regard admiratif que celle-ci posait sur son futur époux laissait peu de place au doute, elle était rapidement tombée en amour pour lui. Blanche était plus jeune, son cœur bien plus ouvert laissait échapper chaque émotion, de la joie la plus timide au chagrin le plus douloureux. La petite faisait tout pour lui plaire, Armand n’ignorait pas les efforts qu’elle déployait dans le seul but d’attirer son attention, et, pourquoi pas, son affection. Elle avait cette façon gracieuse de replacer ses mèches derrière ses oreilles ou sa manière subtile de lui tendre la main dans l’attente d’un baiser. Le Chevalier pensait que ça serait plus facile de sauver les apparences, hélas il se trompait.
Le mariage aurait lieu dans quelques mois, durant l’été. En attendant, il leur était permis de passer quelques journées ensemble, pour apprendre à se connaître. Ce jour-là, Armand emmena sa promise le long de l’étang, sur les conseils de sa mère. C’était selon elle un endroit romantique qui plairait à une jeune fille sensible à de telles attentions.
Les deux tourtereaux s’y rendirent à pied, Blanche ayant trop peur de monter à cheval. Alors Armand lui donna le bras comme il était coutume et la mena aux bords de l’étang. Le jeune homme n’était pas vraiment dans son élément, il ne savait pas comment plaire aux filles, tout simplement car elles ne l’avaient jamais intéressé. Elle s’accrochait à lui, aussi bien physiquement qu’avec le regard qu’elle ne détachait pas de sa figure d’ange. Blanche était, comme toutes les autres, sous le charme du Chevalier aux Fleurs et de ses allures de parfait damoiseau.
Il s’assirent côte à côte sur un banc disposé là pour admirer paisiblement la vue. C’était la fin de l’après-midi, une lumière orangée baignait le domaine sur un fond sonore de criquets et de grenouilles, et les oiseaux revenus de leur migration décrivaient des cercles au-dessus du plan d’eau. Armand suivait leurs acrobaties en souriant, fasciné par leur danse aérienne, tandis que Blanche cherchait à percer le silence pour engager la conversation. Ils ne parlaient pas beaucoup, en effet. La jeune femme était très timide et son Chevalier, lui, très réservé. Il se contentait généralement de lui sourire, de se montrer galant, et la jeune femme semblait apprécier sa bienséance, mais elle aurait voulu qu’il s’ouvre davantage à elle.
-C’est magnifique, ne trouvez-vous pas ? Vous possédez un si joli domaine, je ne peux que me réjouir de vous rejoindre ici en août. J’ai tellement hâte. Et nous serons alors enfin mari et femme. Dit-elle avec une réelle impatience, comblée de joie par ce brillant avenir.
-Oui, je suis chanceux. Chanceux de recevoir la main d’une femme à la beauté aussi saisissante. Lui répondit Armand, en sachant pertinemment que ces mots feraient mouche auprès de sa promise.
Nous pourrons pique-niquer au bord de cet étang lorsque vous reviendrez, vous verrez, ça sera la saison idéale. Blanche posa sa main sur celle du jeune homme, les yeux remplis d’espoir pour cet avenir prometteur. Elle s’imaginait déjà tant de choses, Armand le savait, et cela ne pouvait qu’attiser sa propre peine. Mais se marier à une fille de bonne famille, donner un héritier à sa lignée et honorer son nom faisait partie de son devoir. C’était ce qu’on attendait de lui.
-Nous devrions rentrer. Proposa-t-il après quelques minutes.
La nuit se couche déjà et je m’en voudrais d’offrir aux moustiques votre peau si délicate. La voyant grelotter, Armand déposa sa cape sur les épaules de la jeune femme. La lumière ne permettait plus vraiment d’y voir avec précision, mais Blanche sembla rougir. Le Chevalier se leva le premier et lui proposa sa main pour la raccompagner.
-Et je ne voudrais pas que vos parents s’inquiètent, ma douce. Allons les retrouver pour le dîner. ***
-Je n’arrive pas à croire que tu vas te marier… avec qui vais-je bien pouvoir m’accoquiner désormais ? Hm ? … Armand… tu m’écoutes ? Insista la voix du jeune homme aux cheveux bruns, dont les doigts délicats dessinaient les contours d’un téton découvert, sur le corps blotti contre le sien.
-Tu n’auras qu’à te glisser dans notre grange à la nuit tombée et je t’y rejoindrais après que ma femme ce soit endormie. Répondit le blondinet en lui lançant un regard taquin.
Ça serait excitant, tu ne trouves pas ? On pourrait le faire dans le foin du grenier…Le brun se pencha sur Armand, attrapant sa lèvre inférieure entre ses dents, puis glissa sa langue dans sa bouche pour approfondir leur baiser, décidément bien inspiré par les plans de son compagnon. Les deux jeunes hommes échangèrent une œillade coquine avant que le petit Seigneur ne repousse son amant, s’emparant de son sexe d’une poigne assurée.
-Vous, les fils de bûcherons, vous êtes de vrais animaux… Commenta le blond alors que ses joues prenaient des couleurs en constatant que la virilité de son amant n’était toujours pas entièrement satisfaite malgré la nuit qu’ils avaient passée.
Armand osait rarement se montrer cru dans ses propos, sans doute rendu pudique par son éducation pieuse et chevaleresque, mais il se laissait parfois aller à quelques remarques lubriques. Quant au langage de son ami, il relevait davantage du vocabulaire d’un charretier qui n’était pas pour déplaire au prude Chevalier. Armand trouvait la grossièreté de son amant plutôt excitante.
-Et vous, les fils de Seigneurs, vous nous faîtes dresser la queue plus vite que les filles des lavandières. Rétorqua-t-il en plongeant son museau dans le cou du futur marié, lui tirant quelques gémissements étouffés.
Après ce dernier échange, Armand s’éclipsa discrètement avant que les premiers rayons du jour ne pointent sur la ligne d’horizon. Il boutonna sa chemise jusqu’à l’angle de sa mâchoire pour être certain de dissimuler le suçon que lui avait laissé son amant. Sur le chemin du retour, le garçon préféra emprunter à pied un petit sentier qui remontait la rivière et qui le mènerait en toute discrétion jusque chez lui. Lorsqu’il atteignit le mur en pierre qui entourait le domaine de Beaulieu, Armand entra par un trou formé par l’éboulement d’un pan. Derrière celui-ci, une silhouette lui arracha un cri de surprise.
-Enguerrand ! … C’est vous… vous m’avez fichu une peur de tous les diables ! Que… -Il faut qu’on parle, jeune Seigneur…