Que pensez-vous de la gestion du Bourbier par les Roncepourpre ?
La gestion du bourbier est des à l'image des desseins de mon petit frère. Honteuse. Irresponsable. Profondément utopique. Le genre d'opinion qui n'est accordé qu'aux enfants en bas-âge, dont la réalité du monde n'a pas encore frappé leurs sens étouffés.
Et les rebelles ?
Une mauvaise gangrène qu'il faut éliminer des rangs avant qu'elle ne contamine les bonnes pousses. Dans le même genre que les idéalistes, ces vermines ont au moins l'audace de ne pas se cacher derrière des causes grotesques.
Quel est votre but à Roncepourpre ?
Faire régner la suprématie vampirique et redonner à Roncepourpre l'éclat et l'honneur qu'il mérite.
Vous souvenez-vous de votre enfance ? Des histoires que l’on vous racontez ? De ces rêves de gamin que vous aviez ?
Toi, tu n’en as aucun Aymeric. Aucun. Premier-né du couple des De Roncepourpre, destiné bien avant ta naissance à reprendre le flambeau, ton père t’as retiré ce droit. Sévère, ne désirant qu’un héritier digne de ce nom, il n’avait pas besoin que tu sois ce petit garçon, cet enfant à chérir, à qui il faudrait essuyer les larmes lorsque tu te rendrais compte de la cruauté des hommes, de ce monde malsain. Plaisirs et réjouissances interdits, tu ne te souviens que du goût amer laissé par cette vie faite d’obligations.
Tu es l’héritier de cette famille. [...] Montre-toi en digne de cette grâce que l’on te fait. Tu penses mériter ce titre ? Mais tu ne seras que la risée des autres familles. [...] Je n’ai pas besoin d’un incapable pour fils. Ne me déçois pas Aymeric. Tu n’as pas le droit à l’erreur. Tu veux rendre ta mère triste ? Et tes frères ? Tu as pensé à la vie qu’ils auraient ?Oui papa. Tu seras fier de moi, je te le promet.Alors tu as tenu ta promesse, à n’en plus pouvoir, à en oublier ton corps d’enfant, celui que ton père répugnait parce qu’il désirait que tu deviennes un homme, un vrai, méritant de lui succéder. Petit garçon est devenu adulte, petit garçon s’est oublié. Ce manque d’amour, de tendresse, d’attention, peu importe le vide qui se creusait douloureusement dans ta poitrine du moment que la fierté venait caresser le regard de ton paternel. Tes efforts, tes pleurs, ton obstination.. Tout ça n’était dédié qu’à un seul homme, dans le seul but de le satisfaire.
Il n’en avait jamais assez. Alors tu as donné, donné plus que ce que tu n’aurais jamais eu sans te douter que c’était ton âme que tu déposais dans le creux cruel de ses poings.
Remodelé et taillé comme il le souhaitait, plié à ses caprices de Seigneur, pour que tu finisses par être sa copie conforme.
Meilleur que moi, disait-il. Pire que lui, pensais-tu.Dans le trouble d’une enfance délaissée, les bras de ta mère t’offraient un vain réconfort. Amour privilégié et unique qui n’était pas dédié à tes jeunes frères, tu étais loin de te douter qu’elle ne voyait en toi que la semence exquise de son ancien amant, inconnu pour lequel son cœur palpitait d’excitation. Dans la folie d’une vie toute écrite, il avait été sa seule bouffée de liberté, tentative d’une rébellion encore dissimulée à son mari dans l’union lui avait offert le plus beau des bébés.
Toi.Mais ce n’était pas ce que tu voulais, non, toi.. Toi, tu voulais LE rendre fier. Pour n’entendre, ne serait-ce qu’une misérable fois l’entendre dire ;
"Je suis fier de toi, mon fils."Mais ces mots, jamais ne passeraient le pas de ses lèvres trop occupées à te reprocher ton impotence. Jamais assez bon. Jamais assez concentré. Jamais assez. Jamais.
Oublie. Oublie ce que tu es pour devenir ce qu’il veut que tu sois.
Loin de la lune et de tes rêves. Plus bas que terre. Près de ses chairs et de ses enfers.
Et si tu ne le fais pas, alors il sera en colère. Veux-tu voir la rage déformer ses traits ? Ses poings te punir ? Tu n’aimes pas sa violence, ni la douleur qui traverse ses yeux. Mais ce n’est pas de sa faute, n’est-ce-pas ? Il fait ce qui est juste. Tu es l’unique fautif,
tu le sais ?Les coups n’étaient que de vulgaires caresses face au tranchant de ses mots.
Coupable de le rendre ainsi, coupable de lui faire perdre son temps, LUI qui ne fait ça que pour ton bien.Pour ses craintes. Pour ta mère. Pour tes frères. Tu prends sur toi, sans cesse, encaissant le fiel de son âme, ses brutales attentes, pour que jamais
EUX n’aient à chercher son approbation.
Le sang de ton sang. Alastair et Aldric. Rares moments passés en leurs compagnie, l’amour que tu leur portais dépassait tout raisonnement. Dans l’innocence et leurs frêles âges, tu ne pouvais te permettre de flancher et de les confronter à la fermeté de votre père.
Plus le temps passait, moins de temps tu pouvais leur accorder.
C’était pour le mieux, non ? La meilleure chose à faire. Pour qu’ils puissent s’épanouir. Ils comprendraient, du moins.. Tu l’espérais encore à ce moment.
Tu devenais comme lui.
Comme ce père que ton cœur, tantôt abhorrait autant qu’il ne l’admirait.
Il ne te manquait rien. Fier, il pouvait encore l’être, ne te restait plus qu’à porter le titre tant convoité, celui pour lequel tu étais né, ton seul objectif. Alors peut-être prononcerait-il cette phrase pour laquelle tu mourrais ?
Jamais.- Tu n’es pas mon fils.Bâtard. Misérable enfant né des vices et de la trahison de ta génitrice. Cette femme qui, mille fois t’aurais ouvert ses bras, t’avait maudit de la pire peste qu’il ne soit.
Le bâtard d’une câtin ne sera jamais mon héritier. [...] Tu me répugnes. [...] Tu as les péchés de ta mère dans l’âme. [...] Jamais, tu m’entends ?Mais mon père, je n’ai admiré que vous. N’étais-je point votre fils ? L’héritier dont la vie vous avait béni ? Père, je n’ai que vous, je ne suis pas le fils d’un autre homme. A mes yeux, vous êtes le seul, l’unique, celui pour qui j’ai oublié la vie et ses saveurs, celui pour lequel je damnerai mon âme. Pourquoi me fixer avec ce dégoût ? Père, c’est un couteau dans la poitrine que vous m'enfoncer, mon cœur que vous m’arrachez !Papa, c’est votre fils que vous tuez.
.....
Les erreurs, on te l’a appris, doivent disparaître.Tu es une erreur. La plus grande peine de ton nom. D’un nom que tu ne mérites PAS. De Roncepourpre, de quel droit portes-tu encore le blase de famille ? Il ne te l’as jamais demandé, mais tu savais, tu pouvais deviner dans ses yeux que c’était ce qu’il voulait ; oublier toute la souffrance qui tordait ses entrailles lorsque ton visage de souillure lui apparaissait.
Alastair deviendra mon héritier. [...] Seul mon fils peut me succéder.Si je ne suis pas votre fils, que suis-je ?Rien. Tu n’es rien Aymeric.
Et ça, tu ne pouvais le supporter, mon enfant. Toute une vie envolée, des années privées, le travail d’une vie piétiné sous tes yeux larmoyants. Mais un homme ne pleure pas, alors tu as ravalé ta peine, et jamais tes joues ne se seront souillées de ce déshonneur. Le coeur pourpre est devenu noir, pourri d’ombres et de regrets passés hurlant leur chagrin.
Méprise, tu partirais sous la lueur d’une lune gibbeuse te reprochant tes fautes.
La mélancolie, insupportable compagnie, invita à sa table la rancœur. Énorme, capricieuse et insolente, elle prenait toute la place, jusqu'à en étouffer tes sens. Pendant longtemps tu t'es perdu dans la débauche, oubliant cette plaie vive et douloureuse qui te lacérait la poitrine, se creusant sans jamais cicatriser.
Et jamais tu ne pourrais espérer guérir, car toujours ton père serait là. Il t'a forgé à son image. Cette peau te brûle, ces principes t'étranglent, ses mots te foudroient, tu aimerais l'arracher de toi, le rejeter comme il l'a fait.
Mais tu es faible, petit ange, alors tu n'as rien fait.
Violent il est, violent tu seras. Car de cet unique père que tu as eu, tu es la parfaite poupée.
Avec horreur, c’était tes frères que tu avais abandonné. Aldric, comment pourrait-il se pardonner de l’avoir laissé ? La honte lui chuchotait qu’il n’était qu’un pleutre, et que jamais son frère n’accorderait son pardon à un stupide bâtard. Alastair.. Alastair. Tu lui en veux n’est-ce-pas ? Jalousie injustifiée, une part de toi ne pouvait le pardonner d’avoir pris ce qui te revenait. Pourtant, c’est un sourire qui se peint sur tes lèvres lorsque son nom est prononcé.
Mes frères, je vous aime.
A en mourir.
Et tu en es mort. Aymeric De Roncepourpre n’existe plus dans leurs cœurs.
Tu t'en es persuadé.
.....
Délaissant la France, tu as voyagé dans toute l’Europe. Les bruits d’une révolution te sont parvenus, mais tes intérêts t’avaient menés ailleurs. Ton influence et tes connaissances étendues par tes nombreux voyages, tu reviendrais bien plus tard sur les terres de ta Patrie. Néanmoins, tu n’as jamais cherché à rejoindre le manoir, te trouvant ailleurs d’autres des connaissances et alliés proches.
On soutiendrait tes idées, on te suivrait, t’acclamerait. Parfait enfant éduqué pour mener, la saveur si particulière du contrôle n’avait jamais quitté ton esprit. Auprès de ceux qui soutenaient tes idées quelque peu radicales, tu brillais de flammes impétueuses. Ici, on reconnaissait ta valeur, mais pour autant, rien ne semblait être suffisant pour combler l’appétit de ta peine.
Une fois de plus, tu avais accordé ta confiance à tort. Mais tu aurais dû t’en douter, n’est-ce-pas ? D’abord tes parents, maintenant tes prétendus amis.
Traquenard mortel dans lequel ils l’avaient attirés pour se débarrasser de leurs propres ennuis, tu ferais face à un monstre. Un vampire. Bête de contes que l’on te comptait petit, ses crocs affamés avaient arraché ton souffle. Le sang avait pulsé dans tes veines gonflées, pour finalement se vider sous les gorgées goulues de l’homme.
Mort, tu l’avais été.
De longues journées.
Jusqu’à ce que tes paupières s’ouvrent sur le monde. Tu étais devenu un vampire. C’était une nouvelle vie qui se présentait à toi, de nouvelles opportunités.
Mais au fond tu le savais, n’est-ce-pas ?
Même dans les bras de la mort, de cette vie qui gonflait les poumons, tu serais incapable d’oublier.
Le passé jamais n’oublie et ne s’efface. Éternellement, il t'enlacerai.
Le temps passerait. Loin de tes frères. Étaient-ils encore en vie ? Les remords pesaient, et le cadeau de cette seconde vie, si on pouvait l’appeler ainsi, n’en était pas une. Mais obstiné comme tu l’es, tu ne t’étais pas décidé à faire un trait sur ton existence.
Dans cette époque compliquée, tu avais trouvé de l’affection auprès d'Ézéchiel, désormais vampire, mais autrefois unique enfant à s'être distingué. Spécial. Unique. Un lien s’était tissé entre vous sans que tu ne comprennes pourquoi. Ami cher à ton cœur, la bénédiction de cette éternité partagée avec toi, tu lui accordais à présent ta confiance et une part de cet amour réservé jalousement à ta famille. Dans les bras d’un autre, il trouva le bonheur. Nahaliel. Si vos débuts furent compliqués, le respect que tu portais au premier facilita les choses. Bientôt, l’albâtre devenait l’un des tiens. Ta tendresse acquise, tu les aimerais à jamais.
Ainsi, dans les affres d’une guerre atroce opposant ta race à la pire vermine existence, tu sombrais. Humains. Il n’existe rien de pire que les HUMAINS, cette infecte maladie se révoltant contre votre supériorité, ces rats, pleutres et traîtres. Humains, vous avez dit ? Pourtant, il n’existe rien de plus pourri, de putride et de malsain que ça. Tu ne vois en eux qu’un mal nécessaire, un supplice ambulant qui ne mérite d’être gardé en vie que dans un but ; celui de satisfaire la faim que réclame l’éternité. Rien ne peut te persuader du contraire, les siècles te l’ont prouvé, ce sont des bêtes perverties, fondamentalement mauvaises.
Dans le tas, seules quelques âmes bénies et désignées se sont vues le droit de devenir immortelles.
Dans les ténèbres d’un conflit sanglant, tu as aperçu ton frère. Lui aussi. Vous n’avez point échangé.
Mais, n’est-ce-pas ce que tu désires ? Ce poids sur ton cœur, il te tue à petit feu. Mon enfant, ce coeur noir te dévore, il ne te suffit que de quelques mots pour t’apaiser.
Tu aimerais que ce soit vrai.
Mais ce coeur si noir d’aniline,
Est en colère,
Et ne cessera jamais de battre dans la haine,
Silence.
Est-ce-qu’ils pensent à moi ?
Silence, bâtard.
M’aiment-ils comme avant ?
Silence, silence.
M’accepteront-ils ?
Silence, tu n’as droit qu’au silence, Aymeric.
On t’as privé de ta joie,
Et tu n’as pas pleuré.
On t’as maudit du malheur d'un père,
Et même pour lui, même pour papa, tu n’as pas pleuré.
On t’as tué,
Mais même pour ça, tu n’as pas pleuré.
Mais ce jour-là,
Tu aurais pu encaisser. Le faire comme tu l’as toujours fait. Parce que ton corps, c’est ce qu’il fait, il encaisse, il avale, il assume, il se lève, il se bat. Il est fait pour ça. Tu es fait pour ça. Désastres sur désastres, monstruosités sur monstruosités, damnations sur damnations, pertes sur pertes. Papa t’as tout donné, pour que jamais l’enfant ne sorte, pour que jamais le cœur ne parle. Alors encore une fois, tu aurais pu accepter et laisser le souvenir d’Alastair repartir avec un morceau de ton coeur noir, tout souillé, qu’il te prenne la moitié de ta vie, la moitié de toi, qu’il fasse de toi la moitié d’un homme. Et ça t’aurait soulagé, soulagé de savoir que plus rien ne pouvait t’atteindre.
Mais Aymeric, mon tendre, mon petit ange, mon bébé, tu n’y arrive pas.
Pour l’ombre de ton frère,
Là, oui, tu as pleuré.
Et toi, ça te fait mourir. Mourir au point que tu t’en oublies.
Car pour la première fois les larmes ont roulées sur tes joues coupables. Et tu n’es plus cet homme, juste cet enfant qui te répète, encore et encore des choses que tu ne sais accepter.
Pourpre était son âme car il ne laissait personne s'en approcher. Noir était son cœur car lui-même ne le comprenait pas.
Personne ne pourrait y plonger les mains.
Pas dans cette encre sombre aux nuances de sang.
Car le sang rappelle la cruauté. Et cruel, il l'est, envers lui-même.
Alors personne n'y touchera.
Parce qu'il est tellement plus simple de vivre seul avec ce fiel aux nuances amarantes.
.....
La raison a eu besoin de temps, l’esprit de repos. Et enfin, il se décidait à rejoindre le Manoir de Roncepourpre.
Détails - Dans la chronologie des faits, Aymeric est revenu alors que Aldric a été enlevé (en l'an 3304, ayant été mis au courant lors de son arrivée chez Nahaliel et Ezechiel. Peu de temps après, Alastair et lui se sont rencontrés en secret. Il reste encore le rôle d'Aymeric à déterminer dans le sauvetage d'Aldric puisque ce dernier compte bien aider ses frères (chaque information sera accessible dans le suivi du personnage dès que décidée). Aujourd'hui encore, il n'est pas revenu officiellement au manoir mais cela ne saurait tarder.